Portrait de Regis, le vampire supérieur chirurgien-barbier
Ils sont nombreux à avoir partagé une partie de la vie de Geralt et à l’avoir suivi dans ses différentes aventures. Voici donc une autre série de portrait sur les hommes humains et … non humains ayant côtoyés le Loup Blanc. Il est temps de se pencher sur l’intriguant et savant Régis.
Régis est l’un des membres composant la Hanse de Geralt, rassemblée après les événements de Thanedd. On le rencontre essentiellement dans les livres « Le Sorceleur » d’Andrzej Sapkowski. (À partir du Tome 3, Le Baptème du Feu et jusqu’au tome 5). Il tient cependant un rôle important dans le DLC Blood and Wine du jeu vidéo The Witcher 3.
Une première partie sans spoilers détaille le portrait du vampire, ses capacités, ses particularités. Une seconde partie rentre plus en détails sur l’évolution du personnage dans les romans.
Portrait de Régis,
alias Emiel Régis Rohellec Terzieff-Godefroy
Régis est un vampire âgé de quatre cent vingt-huit ans. Il a l’apparence d’un homme dans la fleur de l’âge et possède un teint légèrement grisé. Sa silhouette svelte est amplifiée par le long manteau de laine noire qu’il porte. Ses cheveux sont grisonnants, son nez crochu et ses yeux noirs reflètent parfois une étrange lueur féline. Du fait de sa nature, il est très discret et apparaît ou disparaît sans prévenir. C’est en général la forte odeur de plantes qui émane de lui, qui trahit en premier sa présence.
Il est un chirurgien-barbier, herboriste, apothicaire, alchimiste – et bien d’autre chose encore – particulièrement doué qui possède des connaissances que nul humain ne pourrait avoir accumulées en une seul vie. C’est un homme éduqué et intellectuel qui aime à en faire la démonstration, tant par la forme que par le fond de ses propos. C’est également un homme d’honneur qui ne déroge pas aux principes qu’il s’est fixé, notamment celui de ne plus boire de sang humain ou toute forme d’excitant, comme l’alcool par exemple. Il vit à Dilligen où il possède une maison ainsi qu’un magasin, et passe tous ses étés à récolter des plantes et des racines médicinales pour fabriquer ses médicaments et ses élixirs.
Régis est un vampire. À ce titre il possède des capacités exceptionnelles : il est immortel, il a une ouïe hors du commun, un odorat particulièrement sensible, il est furtif, vif et rapide, insensible au feu, et a la particularité de ne pas posséder d’ombre, ni de reflet. Loin d’être un vampire ordinaire cependant, Régis est un vampire supérieur particulièrement dangereux. Il développe le plein potentiel de ses pouvoirs les soirs de pleine lune. Ceux-ci lui permettant notamment d’envoûter les êtres humains, de les plonger dans le sommeil, ou encore de prendre l’aspect d’une chauve-souris et donc de voler.
Néanmoins, la particularité la plus atypique du vampire est son adaptation incroyable à l’environnement humain. Il porte toujours sur lui de l’absinthe, de la sauge, de basilic, de la coriandre ou encore de l’anis. Autant de plantes qui lui permettent de tromper les chevaux et les chiens, qui habituellement flairent les vampires. Il est ainsi l’un des rares parmi ses confrères à pouvoir monter à cheval. Même le médaillon de Geralt, qui détecte les créatures ne réagit pas en sa présence.
Si aujourd’hui Régis affirme avoir définitivement renoncé au sang humain il n’en fût pas toujours le cas. Dans sa jeunesse, le vampire se laissa influencer par ses confrères et participa à de nombreuses fêtes de pleine lune, particulièrement arrosées. Le goût du sang devint alors vite une drogue dont il ne pouvait se passer. Après une rupture difficile, Régis sombra dans le désespoir et les regrets, devenant alors un buveur invétéré. Le Vampire, saoul, se fit attraper, transpercer avec des piquets, décapiter, asperger d’eau bénite et enterrer. Il lui fallut une cinquantaine d’années pour se régénérer. C’est après cet événement qu’il décida finalement de ne plus boire une goutte de sang.
/ ! \ Spoiler sur les romans
Geralt rencontre Régis dans la nécropole de Fen Carn. Ils font ensuite le chemin ensemble en direction de la Témérie. Le Sorceleur ignore alors tout de la vraie nature de celui qu’il appelle l’herboriste. Régis, voulant à plusieurs reprises étaler son savoir, n’hésite pas à laisser filer quelques indices qui pourraient éveiller les soupçons. Il faudra cependant un acte plus explicite pour que Geralt comprenne l’identité de celui-ci. Alors qu’il menace de le tuer – du fait de ce qu’il représente, un monstre buveur de sang – on comprend en voyant le comportement désinvolte de Régis à l’égard du sorceleur qu’un vampire supérieur est redoutablement puissant.
Loin de se préoccuper des menaces à son encontre, pourtant sérieuses, Régis palabre avec le sorceleur, se laisse menacer par son épée, s’assoie à ses côtés. Il ira même jusqu’à combler sa curiosité en demandant à Geralt le montant de la prime qu’il serait capable d’accepter pour l’éliminer. Honnête, comme à son habitude, Geralt est forcé de reconnaître qu’il n’existe probablement personne de suffisamment riche pour s’acquitter d’une telle somme. Il avoue même à Jaskier, en aparté, qu’il ignore s’il serait capable de le tuer.
Le Vampire rejoint finalement la Hanse de Geralt, en même temps que Cahir. Non sans difficultés puisque le Sorceleur ne souhaite pas le voir intégrer la troupe. En dépit de cela Régis finit par s’imposer. Tout d’abord, il reviendra régulièrement pour panser les blessures de Jaskier, blessé par une flèche à la tête. Ensuite il se permettra de donner quelques conseils à Geralt. Puis finalement il guidera le groupe jusqu’à Caed Dhu, chez les druides, afin d’obtenir des informations pour retrouver Ciri.
Comme pour Cahir, Geralt finit par reconnaître l’utilité du barbier au sein de la troupe, conscient que pour réaliser une quête impossible, il faut mettre toutes les chances de son côté. De plus, le Sorceleur se doit d’admettre que le vampire se comporte de manière honnête et ne trouve rien dans son attitude de suspect qu’il pourrait lui reprocher.
Même si ses connaissances, notamment en médecine, font de lui un membre essentiel de la troupe, l’ensemble de la Hanse est au début assez inquiète quant à la nature vampirique de ce nouveau compagnon d’aventure. Il faudra du temps à chacun des membres pour cesser de se passer la main dans le cou au réveil. Les craintes se dissiperont peu à peu. On peut même affirmer qu’avec le temps, une amitié sincère entre un sorceleur tueur de monstres, et un ex-vampire buveur de sang est possible.
De part son éducation et sa sagesse, Régis est un personnage en contraste des personnalités d’Angoulême et de Milva. Le côté savant et moralisateur du Vampire s’avère assez irritant quand il s’agit de vivre au quotidien avec celui-ci. Son ton parfois suffisant, ses connaissances dans tous les domaines, ses conseils sur les différentes situations et sa capacité à répondre aux questions avant même quelles en soient posées sont autant de défauts particulièrement agaçants. Milva fut sans doute celle qui le remit le plus efficacement à sa place afin de faire cesser ses » jacasseries savantes ».
Extraits
Tome 3 – Le Baptême du Feu
La nature de Régis n’est pas encore connue
— Ta sueur, sorceleur, exhale une odeur bizarre. As-tu été soigné par la magie ? T’a-t-on donné des enzymes magiques ou des hormones ?
— On m’a donné divers remèdes. Je n’aurais pas imaginé qu’on puisse encore en déceler des traces dans ma sueur. Tu as un odorat sacrément sensible, Régis.
— À chacun ses qualités. Pour contre balancer ses défauts.
…
— As-tu déjà eu affaire à un vampire qui taillait ses victimes en pièces ?
— Non. Ce n’est pas leur façon de procéder.
— Du moins pas celle des vampires supérieurs, intervint aimablement Emiel Régis. D’après ce que je sais, les albs, les katakans, les mulas, les bruxas et autre nosferatu ne s’attaquent pas non plus de manière aussi atroce à leurs victimes. En revanche, les flèdres et les ekimmes s’acharnent sur leurs restes assez sauvagement.
— Bravo ! (Geralt le regarda avec un étonnement non feint.) Tu n’as omis aucune espèce de vampire. Et ces monstres que tu as énumérés ne sont pas des créatures mythiques qui n’existeraient que dans les légendes. Ta connaissance dans ce domaine est impressionnante, vraiment.
…
Lorsque tu ramassais tes racines de mandragore à la pleine lune, tu n’as jamais remarqué la présence d’un vampire ? Pas même d’un tout petit, minuscule ?
— Non, jamais, répondit le barbier, un sourire en coin.
…
À peine Régis s’était-il mis debout que le sorceleur plaça son épée sur sa gorge. D’un geste si rapide qu’il avait échappé à tous.
— Écarte-toi, cria-t-il en s’adressant à Milva.
Régis ne trembla même pas ; pourtant la pointe de l’épée lui chatouillait délicatement le cou.
L’archère retint son souffle en voyant dans l’obscurité les yeux du barbier s’enflammer d’une étrange lueur féline.
— Eh bien, continue, dit tranquillement Régis. Tranche-moi la gorge.
— Geralt, geignit Jaskier, qui était parfaitement revenu à lui. Es-tu devenu complètement fou ? Il nous a évité le gibet… Il m’a pansé la tête…
— Au camp il nous a sauvés, ainsi que la jeune fille accusée de sorcellerie, rappela tout doucement Milva.
— Taisez-vous. Vous ne savez pas qui il est.
Le barbier ne bougea pas. Et soudain, Milva perçut avec effroi ce qu’elle aurait dû percevoir depuis longtemps déjà. Régis n’avait pas d’ombre.
— En effet, articula-t-il avec lenteur, vous ne savez pas qui je suis. Et il est temps que vous l’appreniez. Je m’appelle Emiel Régis Rohellec Terzieff-Godefroy. Je vis sur cette terre depuis quatre cent vingt-huit ans. Je suis le descendant des malheureuses créatures enfermées parmi vous après le cataclysme que vous appelez la Conjonction des Sphères. Pour parler simplement, je passe pour un monstre. Un monstre buveur de sang. Et aujourd’hui je tombe sur un sorceleur dont le métier est d’éliminer les êtres tels que moi. C’est tout.
— Et cela suffit. (Geralt abaissa son épée.) C’est trop même. Disparais, Emiel Régis je ne sais plus quoi. Dégage d’ici.
— Voilà qui est singulier, ironisa Régis. Tu me permets de m’en aller ? Moi qui suis un danger pour les hommes ? Un sorceleur devrait pourtant mettre à profit chaque occasion qui lui est donnée d’éliminer de telles menaces.
— Fous le camp. Éloigne-toi, et fais vite.
— Jusqu’à quelle distance ? demanda lentement Régis.
Tome 4 – La Tour de l’Hirondelle – Mémoire de Jaskier
Le vampire Régis avait plus de quatre cents ans. S’il avait dit vrai, cela faisait de lui le plus âgé de nous tous. Il aurait tout aussi bien pu nous raconter des boniments, car qui aurait pu vérifier ses dires ? Je préférais tout de même supposer que notre vampire était sincère, car il nous avait aussi déclaré qu’il avait définitivement renoncé à sa manie de sucer le sang, nous permettant ainsi de nous endormir l’esprit un peu plus tranquille pendant les bivouacs nocturnes. J’avais remarqué qu’au début, Milva et Cahir, dès leur réveil, se tâtaient le cou d’une main fébrile, avec nervosité, mais ils perdirent rapidement cette habitude. Le vampire Régis était, ou du moins semblait être, un vampire d’honneur. S’il disait qu’il ne suçait plus, c’est qu’il ne suçait plus.
Il avait tout de même des défauts, et qui n’étaient aucunement liés à sa nature vampirique. Régis était un intellectuel, et il aimait à en faire la démonstration. Il avait la fâcheuse manie d’énoncer des vérités en prenant des airs de prophète, vérités auxquelles nous cessâmes rapidement de réagir, car il s’agissait soit de vérités effectives ou résonnant comme telles, soit d’affirmations totalement invérifiables, ce qui finalement revenait au même.
…
Un jour, alors que Régis, pour la troisième fois consécutive, avait commencé à répondre [à Milva] alors qu’elle n’en était qu’à la moitié de sa question, elle l’invectiva copieusement en utilisant un vocabulaire d’une vulgarité à faire rougir de confusion un vieux lansquenet. Étonnamment, ce fut efficace, et le vampire se débarrassa instantanément de ses manières agaçantes. D’où il découle que la meilleure défense face à la domination intellectuelle est le recours à l’invective et à la grossièreté.